



    

L'homme, qui n'a plus rien à perdre, veut racheter l'échec de sa vie par une action d'éclat. Panique du capitaine, qui finit par 
  trouver le point faible: à ce témoin récalcitrant, on va fournir du whisky à volonté, pour qu'à l'arrivée en Angleterre, il ne soit plus 
  qu'une loque incapable de témoigner. Pendant ce temps-là le Titan s'achemine à toute vapeur vers son destin. 
  Pour éviter que 
  Rowland, le témoin gênant, ne soit au contact des passagers, on l'a envoyé à l'avant du vaisseau. Là, quelques minutes avant 
  la collision, on le voit discuter avec un officier du rafraîchissement subit de l'air, signe de la proximité de champs d'icebergs, 
  dans une scène qui évoque irrésistiblement un moment intense du film de James Cameron (Titanic, 1998). Et ce qui suit ne 
  l'évoque pas moins. Hurlement de la vigie: "Ice ahead. Iceberg, Right under the bows!".
 
  Manoeuvre désespérée. Mais il est trop 
  tard, le choc est inévitable; lancé à la vitesse de vingt-quatre noeuds, le géant glisse sur une sorte de plan de glace incliné, sa 
  proue s'élève; puis il bascule et se couche sur le côté. Les chaudières explosent, entraînant dans une mort atroce tous ceux qui 
  travaillent dans les soutes. Seulement deux barques pourront être mises à la mer. Le lendemain, la presse mondiale se 
  déchaîne: l'invincible Titan, l'orgueil de la marine britannique, a coulé lors de sa troisième sortie, entraînant dans la mort 
  presque tous ses passagers et marins. 
  Ce récit, évidemment, coupe le souffle, et on cherche d'abord à en savoir plus sur la personnalité de l'auteur. Ce qui n'est pas 
  chose facile, car, comme il fallait s'y attendre, sa biographie s'est trouvée quelque peu auréolée de légende. Ainsi, la rumeur a 
  couru qu'il était mort sur le Titanic. 
  Mais l'histoire, si l'on peut dire, est trop belle pour être vraie. Morgan Robertson est mort en 1915, soit trois ans après la catastrophe; et comme  son roman a été réédité en 1912, l'année du Titanic, il a sans doute été questionné 
  sur sa prophétie. C'est probablement à cette occasion qu'il s'est expliqué sur son 
  procédé d'écriture. Robertson avait, semble-t-il, la particularité d'écrire parfois 
  dans un état médiumnique. Morgan Robertson est né en 1861 à Oswego, dans 
  l'Etat de New York. Dès l'âge de seize ans, après le lycée, il devient marin et 
  travaille dans la marine marchande de 1877 à 1886.
  Par la suite, il trouve un emploi dans une bijouterie; mais des problèmes de vue 
  l'obligent à abandonner ce travail et à se consacrer à l'écriture. Il devient un 
  spécialiste de la nouvelle et du roman maritimes. 
  Bien qu'autodidacte, il possède 
  une solide culture, et une puissante capacité d'expression et de réflexion, dont 
  témoignent ses écrits. C'est un marginal, un homme révolté contre la société de 
  son temps, qui passera toute sa vie dans les difficultés matérielles. Une certaine 
  reconnaissance lui viendra sur le tard, avec la publication de ses oeuvres 
  complètes, alors qu'il est devenu presque aveugle. On le trouvera mort dans un 
  hôtel d'Atlantic City, le 24 mars 1915, assis dans un fauteuil faisant face à la mer.
  De toute évidence, les constructeurs du Titanic n'ont jamais entendu parler du roman de Robertson, dont l'auteur, à la fin du 
  siècle, reste à peu près inconnu. Et s'ils en avaient entendu parler, ils auraient appelé leur navire autrement.
  La "prophétie" de Robertson semble encore plus frappante quand on récapitule les circonstances des deux naufrages, et les 
  ressemblances entre le Titanic et le Titan imaginaire: Les noms des navires, les cause lointaines, psychologiques et culturelles, 
  du drame. L'orgueil du technicien fausse le jugement; on fonce dans le brouillard pour battre un record, au mépris des 
  règlements et de la pludence la plus élémentaire. Les lieux : l'Atlantique nord, au large de Terre Neuve. L'époque de l'année : 
  une nuit d'avril. La cause immédiate : la collision avec un iceberg. La cause des pertes humaines: le manque de chaloupes de 
  sauvetage. Et la coïncidence est encore plus frappante quand on prend en compte les caractères techniques des deux navires.
  Robertson, qui a été marin, est solidement documenté. Aussi, quand il décrit le Titan, il utilise les projets techniques de son 
  temps. Le Titan incarne le sommet de la technologie de 1898, le sommet de la démesure réalisable; probablement mis en 
  chantier quelques années après la publication du roman, vu les délais de construction, le Titanic concrétise les plans des 
  ingénieurs de la fin du XIXème siècle.
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