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  dit qu'assez vraisemblablement c'était une pratique de l'époque de n'embarquer que le 
  nombre de canots de sauvetage exigé par la loi, pour gagner de la place, et que cette 
  pratique a été relevée et stigmatisée dans le cas du Titanic, tout simplement parce qu'il y a 
  eu naufrage. Que le vaisseau soit britannique n'a rien d'étonnant; à l'époque de Victoria 
  l'Angleterre est la première puissance mondiale et domine les mers. D'autre part, où mettre 
  en scène un vaisseau si révolutionnaire, si ce n'est sur la ligne de l'Atlantique nord, où le 
  trafic est le plus important?
 
  Et comme l'iceberg est le seul obstacle capable de venir à bout 
  d'un navire présumé insubmersible, comme d'autre part il incarne au mieux, face aux 
  entreprises futiles des hommes, la permanence de l'implacable réalité cosmique, il faudra 
  que le Titan heurte un iceberg. De ce fait, la rencontre fatale ne pourra avoir lieu qu'au 
  large de Terre Neuve; de nuit, pour fournir l'absence de visibilité; et au mois d'avril, parce 
  que c'est l'époque où les icebergs se détachent de la banquise.
  Sur le pont du Titanic comme sur le pont du Titan, on a discuté, quelques minutes avant la 
  catastrophe, du refroidissement de l'atmosphère imputable à d'éventuels icebergs, ce qui 
  est normal, car les icebergs n'ont pas pour propriété connue de réchauffer l'atmosphère.
  Reste un point intrigant, le nom des deux vaisseaux. A première vue la coïncidence est si 
  frappante qu'elle nous fait changer d'ordre de probabilité, et semble accréditer la thèse de 
  la prophétie.
  Pourtant, c'est l'imaginaire de l'hybris qui meut la catastrophe imaginaire comme la catastrophe réelle; et, pour incarner l'hybris 
  prométhéenne, quoi de plus indiqué qu'un Titan? De plus, la White Star avait déjà à l'époque lancé sur mer l'Océanic, le 
  Teutonic, le Majestic, tous des navires rivalisant en taille, en puissance et en luxe. Ayant imaginé pour son histoire un immense 
  paquebot, que lui restait-il comme autre nom pour traduire l'idée du gigantisme, hormis celui de Titan ?
  On compte parmi les victimes du naufrage du TITANIC le célèbre journaliste W.T. Stead qui dans la critique qu'il avait faite du 
  livre de Morgan Robertson avait conclu par cette phrase: "c'est exactement ce qui pourrait se passer si les grandes 
  compagnies de paquebots persistent à ne pas prévoir assez de chaloupes de sauvetage pour tout le monde !"
  Les comptes rendus de la vénérable Society for Psychical Research regorgent de tels témoignages de personnes ayant eu la 
  vision d’une catastrophe prochaine. Mais Roberston en a fait un livre, ce qui donne bien plus de poids à son expérience et à
  son récit.
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